La Salle des Tombeaux des Ducs de Bourgogne



Une notule du texte préliminaire de "Gaspard de la Nuit", précise : " Je ne compare la Chartreuse de Dijon à l'abbaye de Saint-Denis que sous le rapport de la magnificence et de la richesse de ses sépultures. Trois ducs seulement ont été inhumés à la Chartreuse : Philippe-le-Hardi, Jean-sans-Peur et Philippe-le-Bon (.../...) Le marteau de la Révolution, en jetant bas la Chartreuse, avait dispersé dans les cabinets de quelques curieux les débris des tombeaux de Philippe-le-Hardi, de Jean-sans-Peur et de Marguerite de Bavière, femme de ce dernier. Charles le Téméraire n'avait point fait élever de monument à son père Philippe-le-Bon ). Ces chefs-d’œuvre de l'art du XVe siècle ont été restaurés et placés dans une des salles du musée de Dijon."

Voici la salle des tombeaux ( actuellement en cours de réfection ) et celui de Philippe le Hardi :









"Petit historique - Tombeau de Jean sans Peur et Marguerite de Bavière"


Dans "Louis Bertrand et le Romantisme à Dijon", Henri Chabeuf, membre de l'Académie de Dijon et de la Commission des Antiquités de la Côte d'Or, a complété son texte par de nombreuses notes, dont celle-ci relative aux tombeaux des Ducs de Bourgogne :


"Le tombeau de Philippe le Hardi commencé par Jean de Marville, en 1386, a été continué après sa mort par Claus Sluter, nommé imagier du duc par lettres-patentes données à Melun, le 23 juillet 1399, et terminé seulement après la mort du duc survenue le 27 avril 1404. Le tombeau de Jean sans Peur, assassiné le 10 septembre 1419, inhumé à la Chartreuse le 12 juillet 1420, et de Marguerite de Bavière, morte le 23 janvier 1423, imitation inférieure du premier, a été commencé par l'Aragonais Jean de la Huerta, et achevé par Pierre Le Moiturier ; la réception eut lieu seulement sous Charles le Téméraire, le 6 juin 1470 ; dans les deux monuments les petits anges du soubassement avaient des ailes de cuivre doré, mais aucun document contemporain n'établit que les statues fussent peintes. - En 1794, les tombeaux furent transportés à Saint Bénigne et détruits en exécution d'une délibération du conseil général de la commune en date du 8 août 1793 ; sollicitée par les administrateurs provisoires de la fabrique qui voulaient transformer les figures en emblèmes de la Liberté et de l'Egalité. Commencée en 1818 la restauration dirigée par M. de Saint-Mesmin, conservateur du musée, fut achevée en 1827, et la Salle des gardes ouverte le 14 janvier 1828, date donnée par les journaux de Dijon. - Les restes des ducs ont été reconnus en 1841 par la Commission des Antiquités et déposés solennellement dans les caveaux des tours de la cathédrale le 22 juillet. Philippe le Bon fut aussi enseveli à la Chartreuse, mais son fils ne trouva pas le temps en dix ans de règne de faire commencer le tombeau pour lequel le défunt duc avait laissé des fonds dont le Téméraire s'empara. Au surplus ces monuments funèbres étaient élevés avec une extrême lenteur, et Philippe le Bon avait pris lui-même le temps de la réflexion, puisque celui de Jean sans Peur ne fut pas même achevé au cours d'un règne de quarante huit ans."

Ci-dessous le tombeau de Jean sans Peur et Marguerite de Bavière :








La Chartreuse de Champmol



La Chartreuse de Champmol était un des lieux de promenade préféré de Louis Bertrand. Il aimait à y rêver parmi les rares vestiges de la haute époque, sous de nouvelles frondaisons. Comment résumer au mieux l’histoire de cette chartreuse qu’un seul imposant volume n’épuiserait pas ? Peut-être en reprenant tout simplement les termes d’Henri Chabeuf :

« Les princes de la première race ducale étaient inhumés à Cîteaux ; Philippe le Hardi voulut avoir dans sa capitale même une sépulture pour lui et sa descendance. Dès 1377 il songeait à la fondation d’une chartreuse, toutefois les ordres ne furent donnés que le 6 juin 1383, et le 20 août suivant, dans le vaste terrain dit Champmol, entre la route de l’ouest et la rivière d’Ouche, les deux premières pierres de l’église étaient posées par la duchesse Marguerite et le jeune comte de Nevers. L’architecte fut Drouhet de Dammartin, maître général des œuvres de maçonneries pour tous les pays du duc, retenu par lettres données à Paris le 10 février 1383, aux gages de huit sols parisis par jour. Les travaux marchèrent avec rapidité, et dès 1384 on trouve mentionné aux comptes le payement de deux consoles ou corbeaux, destinés à supporter un auvent au-dessus du portail (…/…), et on fit si bien, que l’église put être dédiée le 24 mai 1388, sous le vocable de la Sainte Trinité, par Pierre II, évêque de Troyes. C’était un vaisseau de 62 mètres de long sur 13m50 de large, sans transept, avec une abside à trois pans et plusieurs chapelles : Notre-Dame, Saint-Pierre, Sainte-Anne, etc. ; du faîtage orné de plombs historiés, s’élançait une haute flèche à réchaud orné. »



Voici le plan de l’ancienne chartreuse :








"Ah ! pourquoi faut-il que les enfants soient jaloux des oeuvres de leurs pères ! - Allez maintenant où fut la Chartreuse, vos pas y heurteront sous l'herbe des pierres qui ont été des clefs de voutes, des tabernacles d'autels, des chevets de tombeaux, des dalles d'oratoires ; - des pierres où l'encens a fumé, où l'orgue a murmuré où les ducs vivans ont fléchi le genou, où les ducs morts ont posé le front. - Ô néant de la grandeur et de la gloire ! on plante des calebasses dans la cendre de Philippe le Bon".

«Le 4 mai 1791, la Chartreuse était achetée par Emmanuel Cretet, député aux Etats-Généraux, puis aux Anciens, plus tard comte de l’Empire, directeur général des ponts et chaussées, ministre de l’intérieur, qui démolit l’église, prit le titre de comte de Champmol, mourut à soixante trois ans le 10 février 1810, et fut mis au Panthéon. Les tombeaux avaient été exceptés de la vente, ainsi que les tableaux, boiseries, cloches, objets d’art, etc.; et les cercueils des deux premiers ducs trouvèrent un abri à Saint-Bénigne ; tous les autres, y compris celui de Philippe le Bon, que ne signalait aucun monument apparent, disparurent. "On plante des calebasses dans la cendre de Philippe le Bon ! " s’écriait Louis Bertrand : c’est le mot d’Hamlet avec les calebasses en plus ou en trop. (…/…) Le 11 mai 1832, le conseil général délibéra d’acheter la Chartreuse des héritiers Cretet pour en faire un asile d’aliénés.»



Philippe le Bon

Le Puits de Moïse



"Il y a outre cela, dans le préau du cloître - un piédestal gigantesque dont la croix est absente, et autour duquel sont nichés six statues de prophètes - admirables de désolation...- Et que pleurent-ils ? Ils pleurent la croix que les anges ont reportée dans le ciel

















(Photos réalisées avec l'aimable autorisation de Mr D.Charpentier, Directeur par intérim du C. H. S. La Chartreuse, 1, Boulevard Chanoine Kir à Dijon )


Voici ce qu'en dit Eugène Fyot :

" Avec la section de son église, le monastère en comprenait deux autres, le "Petit Cloître" et le "Grand Cloître" (.../...). Le Grand Cloître, plus au midi, entourait un préau de 102 mètres de côté. Tout à l'entour régnaient 24 cellules avec 24 jardins, chacune étant isolée de sa voisine par un grand mur. Là vivaient les Chartreux, isolés dans leurs travaux et leurs prières, en dehors des offices en commun.

Au centre du préau avaient été captées plusieurs sources en un profond réservoir, pour l'usage des moines ; et c'est au milieu de ce réservoir que Claus Sluter fut appelé à élever un monument commémoratif de la passion du Christ. Il le divisa en deux parties ; le socle hexagone, sur les côtés duquel devaient saillir les six prophètes qui avaient prédit le Messie " ( Zacharie, Jérémie, Isaïe, Daniel, Moïse, le Roi David )" ; et, sur une plate forme soutenue par des anges pleurants, le calvaire. Il se composait d'une grande croix haute de sept mètres, sur laquelle agonisait un Christ (.../...) A ses pieds la Vierge Marie, saint Jean et Sainte Madeleine. Tout ce calvaire était ruiné depuis longtemps par les intempéries ou par la chute d'un abri lorsque vint la Révolution..(.../...) Seul donc reste le socle avec ses six prophètes." et :


la tête du Christ
(Musée archéologique de Dijon)


et ses jambes.


Note : le "Puits de Moïse" est un véritable "puits de science" alchimique puisqu'on y retrouve, outre le personnage de Moïse (parfois considéré comme auteur d'écrits alchimiques), "le motif des feuilles de chêne - allusion à la matière première de l'Oeuvre, des anges - allusion au "don de Dieu" qu'est l'Alchimie, celui du livre ouvert - exotérisme -, et du livre fermé - ésotérisme" ( Michèle Debusne " La Bourgogne alchimique " ). Le personnage du Roi David est particulièrement remarquable. Son revers de manteau est brodé de harpes,le pied d'un de ces instruments est visible dans un des replis. Ces signes symbolisent à la fois la musique ( le Roi David était patron des musiciens au Moyen-Âge) et la science alchimique (également appelée "la musique). Sa couronne royale est, selon le "Dictionnaire Mytho-hermétique" de A-J Pernety : " la pierre parfaite au rouge et propre à faire la pierre de projection".


La Chapelle de la Chartreuse



Louis, ayant quitté définitivement Dijon le 6/8 janvier 1833 ( H. H. Poggenburg), n'a pu connaître les travaux d'aménagement de l'asile ( acquisition du domaine réalisée le 6 février 1833 - travaux commencés en 1836), a fortiori ceux de la chapelle consacrée le 17 novembre 1844. Cependant, il a pu voir le portail de l'ancienne église (repris dans la structure de la chapelle ) et une tourelle d'angle du vieux clocher :

"Plus rien de la Chartreuse ! - Je me trompe - Le portail de l'église et la tourelle du clocher sont debout. La tourelle, élancée et légère, une touffe de giroflée sur l'oreille, ressemble à un jouvenceau qui mène en laisse un lévrier ; le portail martelé serait encore un joyau à pendre au cou d'une cathédrale."

Cinq "imaiges" décorent le portail :














Ces statues sont oeuvres de Claus Slüter, Claus de Werve et - peut-être- Jehan de Marville. Elles représentent, outre la Vierge au trumeau, à gauche : Philippe le Hardi suivi de Saint-Jean ; à droite, Marguerite de Flandre présentée par Sainte-Catherine.


Et voilà la tourelle :