"Il n’y a chez lui rien de moderne, et croire à une imitation, à un pastiche gothique, ce serait se tromper grandement. Il y a transposition d’époque, dépaysement d’âme, anachronisme ; voilà tout. Ces retours inexpliqués d’anciens motifs causent de piquantes surprises et font une rapide réputation d’originalité aux artistes que leur tempérament y porte.
Il avait l’air d’un de ces longs anges thuriféraires ou joueurs de sambucque qui habitent les pignons des cathédrales, et qui seraient descendus par la ville au milieu des bourgeois affairés, tout en gardant son nimbe plaqué derrière la tête en guise de chapeau, mais sans avoir le moindre soupçon qu’il n’est pas naturel de porter son auréole dans la rue.
On aurait eu dit que du haut de son pinacle gothique, X... , dominait la ville actuelle, planant sur l’océan des toits, regardant tournoyer les fumées bleuâtres, apercevant les places comme des damiers, les rues comme des traits de scie dans des bancs de pierre, les passants comme des fourmis ; mais tout cela confusément à travers l’estompe des brumes, tandis que de son observatoire aérien, il voyait en première loge et avec tous leurs détails, les roses de vitraux, les clochetons hérissés de crosses, les rois, les patriarches, les prophètes, les saints, les anges de tous les ordres, toute l’armée monstrueuse des démons ou des chimères, onglée, écaillée, dentue, hideusement ailée, guivres, tarasques, gargouilles, têtes d’âne, museaux de singe, toute la bestiaire étrange du moyen-âge.
A ses premiers essais, X..., dessinait comme avec des plombs de vitrail et semblait colorier avec une palette de peintre verrier. Pour obtenir des tons plus intenses, il employait des verres teints dans la masse. On peut y appliquer ce qu’un des amis de Joseph Delorme disait de certaines petites ballades de Victor Hugo, la chasse du Margrave, le Pas d’arme du roi Jean, que ce sont des vitraux gothiques."
S'agit-il de Louis Bertrand ? Non, mais de Célestin Nanteuil ainsi portrait dans son " Histoire du Romantisme" par Théophile Gautier. Sa conclusion : "Il continue son rêve du passé à Dijon ou il est directeur de l’école de dessin et où il peut continuer de contempler tout à son aise la flèche merveilleuse de la cathédrale et le donjon du Palais des Ducs en répétant avec « Gaspard de la Nuit » : « Gothique donjon…Et flèche gothique...Dans un ciel d'optique...Là-bas, c'est Dijon... ». Dijon est hospitalier aux peintres romantiques. Louis Boulanger... s'y éteint dans la pénombre de l'école qu'il dirigeait, et Célestin Nanteuil y profite de son loisir pour travailler."
Ce qui montre, malgré le peu d'appétence de Gautier pour les "fantaisies mignonnes" de Louis Bertrand, qu'il les avait néanmoins bien en tête.
Célestin Nanteuil (Célestin-François Nanteuil-Lebœuf - 1813-1873), peintre, graveur, illustrateur, proche de Victor Hugo et de Gérard de Nerval, a été nommé, en 1848, directeur de l’Académie puis du Musée des beaux-arts de Dijon.