La place du Morimont


L’actuelle place Emile Zola, bordée de nombreux restaurants faisant terrasse, par beau temps, sous les platanes centraux, était auparavant nommée place du Morimont. Ce nom dérive, par un léger glissement - « t » final en place de « d » - de celui de l’Hôtel de l’abbé de Morimond [ l’abbaye de Morimond (Mori mundo = Mort au monde devenant Mont de la mort = échafaud ) était la quatrième fille de Cîteaux, dans le diocèse de Langres], sis 17, rue Monge (actuelle - ancienne rue Saint-Jean ), dont la façade arrière donnait sur la place des exécutions.


le cellier de l'Hôtel de Morimond.
Eugène Fyot en dit ceci :

« Quant à la place du Morimont, pendant près de cinq siècles, elle offrit aux dijonnais le spectacle toujours recherché, hélas ! des souffrances souvent atroces de l’expiation. Au centre s’élevait un échafaud composé d’une plate-forme rectangulaire élevée de six pieds au-dessus du sol, sur cinq piliers de pierre ; on y accédait pas deux échelles latérales…/…Sur l’échafaud se plaçait le billot de bois sur lequel le bourreau décollait, à grands coups de hache ou d’épée, la tête du condamné à la peine capitale.

En face de l’hôtel du Morimont, la roue horizontale attendait perpétuellement sur son axe l’exposition des patients plus ou moins désarticulés par la barre du bourreau. Et de l’autre côté enfin, le gibet en forme de potence recevait les pendus.

Comme on le voit, l’aménagement comportait la variété des supplices. Il arrivait même qu’on disposait, dans certains cas spéciaux, en arrière de l’échafaud, un bûcher autour d’un grand pilier de bois.

Pendant la Révolution, le gibet et la roue disparurent, mais la guillotine demeura deux années sur place en permanence. » Ce n’est que le 5 Brumaire an III - 26 octobre 1794 - que le représentant Callès ordonna de l’enlever. Elle ne revint plus que ponctuellement, pour les besoins de Justice, que jusqu’au milieu du règne de Louis Philippe.

Henri Chabeuf donne quelques détails sur les exécutions :

« Pendant trois ou quatre siècles, sur la place où la potence et la roue étaient en permanence à côté d’un calvaire, on pendit, on roua, on décapita, on brûla en attendant la guillotine, l’exposition et la marque. Le 6 mars 1586, après amende honorable au Dieu de pitié du chevet de Saint Jean, y fut brûlé vif Renvoisy, « maistre de musique habile et des plus habiles joueurs de luth qu’il y eust ; » là, le lundi 12 mai 1625, se passa le drame unique dont Hélène Gillet fut l’héroïne ; là tombèrent les têtes du président Giroux et de D. Georges Bourée, qui auraient mérité dix fois la roue. Jusque dans le sensible XVIII° siècle, les exécutions sont un spectacle d’autant plus suivi qu’il y a plus de raffinement ; ainsi le 12 mars 1772, un rare supplice a attiré la curiosité de bien des spectateurs dit le « Mercure dijonnais » ; on devait brûler sur le même bucher, mais à deux poteaux, une femme qui avait empoisonné son mari, et son complice, un crime passionnel comme on voit. Malheureusement pour les amateurs, les suppliciés furent d’abord étranglés. Là eurent lieu plus tard les quinze exécutions de la Terreur dijonnaise ; un jour d’octobre 1793, un cortège s’est dirigé, musique en tête, vers le Morimont, escortant deux voitures chargées de tableaux, tapisseries fleurdelisées, bustes, livres, estampes, etc…, et le tout fut entassé sur un bûcher qu’alluma l’exécuteur des hautes œuvres. »

Voici la place Emile Zola, aujourd’hui difficilement présentable car souvent encombrée, aux heures tranquilles, de piles de chaises, de tables enchaînées, et de conteneurs colorés malodorants.






Le Gibet






"Ah ! ce que j'entends, serait-ce la bise nocturne qui glapit,
ou le pendu qui pousse un soupir sur la fourche patibulaire ?

Serait-ce quelque grillon qui chante tapi dans la mousse et
le lierre stérile dont par pitié se chausse le bois ?

Serait-ce quelque mouche en chasse sonnant du cor
autour de ces oreilles sourdes à la fanfare des hallali ?

Serait-ce quelque escarbot qui cueille en son vol inégal un
cheveu sanglant à ce crâne chauve ?

Ou bien serait-ce quelque araignée qui brode une demi-aune
de mousseline pour cravate à ce col étranglé ?

C'est la cloche qui tinte aux murs d'une ville, sous
l'horizon, et la carcasse d'un pendu que rougit le soleil
couchant.