Le pas d'arme(s) de Marsannay



Les critiques du poème « L’air magique de Jehan de Vitteaux notent généralement que l’expression « au pas d’arme de Marsannay » fait référence à un tournoi tenu dans ce village. C’est en effet à compter du 11 juillet 1443, à l’initiative de Pierre de Beaufremont, Comte de Charny, Conseiller et Grand Chambellan de Philippe le Bon, qu’il s’est déroulé au lieu dit « La Charme de Marcenay », à une demi-lieue (2,2 km) de Dijon sur la route de Nuits. Un pas d’armes, consistait, pour un certain nombre de gentilshommes, à défendre un pont, un chemin, un sentier de forêt, ou un passage artificiel créé pour l’occasion, contre les assauts de tout chevalier se présentant pour relever le défi. Les combats, présidés par le Duc et la Duchesse de Bourgogne, durèrent pendant six semaines près de « l’arbre de Charlemagne » ou "Arbre des Hermites" ( gros arbre sous lequel il aurait fait étape lors de son expédition à Rome pour défendre le Pape Adrien 1er aux prises avec Didier, roi des Lombards -773), permettant aux chevaliers bourguignons de se couvrir de gloire. Parmi ceux-ci ( dont la liste complète est connue), Pierre de Beaufremont et son frère Guillaume, baron de Sey et de Sombernon - « les bons barons de Beaufremont » de la première préface.

Mais,vu le contexte, ce « pas d’arme » - sans « S » à arme - semble plus proche de l’allure chaloupée prise parfois au sortir des caves que de joutes viriles et sanglantes. L’expression actuelle : « avoir une rougeole de Marsannay » est plus colorée ; le coup de masse est le même. Le pré-texte « La Gourde et le flageolet » confirme ce sentiment : « Voilà que le chevalier, ivre à demi, se mit à danser sur la pelouse, comme un ours mal dressé. Il étend les bras, il balance sa tête sur ses épaules, frappe la terre du talon, et appuie fièrement sa longue épée contre son épaule comme un hallebardier qui va à la guerre. ».

Louis s’est manifestement amusé à l’écriture de cette pièce burlesque,… la condamnant sûrement aux « Pièces détachées ».


(Pierre de Beaufremont sera gendre de Philippe le Bon - mariage contracté le 30 septembre 1448 à Bruxelles, avec Marie, légitimée de Bourgogne.)


La vierge noire



« La vierge noire, la vierge des temps barbares, haute d’une coudée, à la tremblante couronne de fil d’or, à la robe raide d’empois et de perle, la vierge miraculeuse devant qui grésille une lampe d’argent… », la voici de nos jours ( la Révolution lui a fait perdre l’enfant Jésus qu’elle portait sur les genoux ) :






Cette « Imaige » ( statue ) est vénérée à Dijon depuis le XI° siècle. Elle était déjà présente dans la « Chapelle du Marché », fille de l’Eglise de Saint-Jacques de Trimolois. La gothique Notre-Dame étant construite, elle reprit sa place dans une chapelle très sombre autour de laquelle régnait une galerie destinée à recevoir temporairement les flambeaux votifs. Des écus, des épées de chevaliers, des béquilles, diverses prothèses ( pieds de cire, d’argent, de bois), des tableaux, étaient accrochés à la voûte et aux murs. Deux lampes brûlant jour et nuit assuraient une luminosité propice au recueillement.

Etant considérée comme un « canal de grâce », elle sera appelée jusqu’au XVI° siècle « Notre-Dame de Bon-Rapport » ou de « l’Apport », puis « Notre-Dame de Bon-Espoir ». C’est devant elle que les Beaufremont, gentilshommes ayant participé au « pas de Marsannay » (1443), que Philippe Pot, Grand Chambellan de Bourgogne, chevalier de la Toison d’Or et de l’Ordre de Saint Michel, sauvé de captivité (1453), que Louis de la Trimouille (ou Trémoille), Gouverneur de Bourgogne, défenseur de la ville contre les Suisses ( siège du 7 au 13 septembre 1513 ), vinrent s’incliner. Bien d’autres solliciteront son intercession pour les motifs les plus divers ( sécheresses, inondations, maladies, … ). Sa chapelle, suite de la précédente dont la voûte a été abattue (XVII°)- destruction « cassant », parait-il, un peu l’ambiance - est encore aujourd’hui relativement fréquentée.

Mais pourquoi cette vierge est-elle noire ? Non pas, comme le dit la légende, parce qu’elle aurait été enfumée par les canons des Suisses, mais parce que l’Eglise ferait application à Marie, dans un de ses offices, de paroles tirées du Cantique de Salomon ( Cantique des Cantiques ) : « O filles de Jérusalem, je suis brune, mais de bonne grâce, comme les tentes de Kédar, et comme les pavillons de Salomon ». (C1-5) ; « Ne considérez pas que je suis brune parce que le soleil m’a regardée…. » (C1-6) - Bible Ostervald 1845.(version contestée)



(la vierge m'étant inaccessible, les photos 2 et 3 sont d'après des clichés de Thierry de Girval)