A M. Victor HUGO



Le livre mignard de tes vers, dans cent ans comme aujourd'hui, sera le bien choyé des châtelaines, des damoiseaux et des ménestrels, florilège de chevalerie, Décaméron d'amour qui charmera les nobles oisivetés des manoirs.

Mais le petit livre que je te dédie, aura subi le sort de tout ce qui meurt, après avoir, une matinée peut-être, amusé la cour et la ville qui s'amusent de peu de chose.

Alors, qu'un bibliophile s'avise d'exhumer cette œuvre moisie et vermoulue, il y lira à la première page ton nom illustre qui n'aura point sauvé le mien de l'oubli.

Sa curiosité délivrera le frêle essaim de mes esprits qu'auront emprisonnés si longtemps des fermaux de vermeil dans une geôle de parchemin.

Et ce sera pour lui une trouvaille non moins précieuse que l'est pour nous celle de quelque légende en lettres gothiques, écussonnée d'une licorne ou de deux cigognes.


*


Ce petit livre (en VO), on peut le lire  ICI




DAVICO



On sait relativement peu de choses de la famille DAVICO malgré sa présence répertoriée à CEVA (Italie) en 1357. Giacomo, grand-père de Louis, veuf depuis le 6 décembre 1798, avait trois frères : Lorenzo, avocat ; Giuseppe, prêtre ; un autre Giuseppe, architecte. Il aura, outre Laure, deux fils : Jean-Baptiste, directeur des Postes à Turin ( il écrira à Balthazard les 26 septembre 1856 et 7 février 1857 afin d'obtenir des nouvelles de sa sœur....décédée le 9 septembre 1854 ) et "un autre" (sic Chabeuf) procureur général. "Syndaco" (Maire) avant la domination impériale, Giacomo continuera d'exercer ses fonctions pendant l'occupation française. A preuve ce document gracieusement transmis par Giorgio Gonella des services municipaux de la Ville de CEVA (Italie). Le nom a aujourd'hui disparu de la commune.





La "léproserie de Saint-Apollinaire"


Faisant mention, dans la première préface, d'une " léproserie de Saint-Apollinaire qui n'a qu'une porte et n'a point de fenêtres ", Louis ne manque pas - dans un contexte topographique habituellement exact - de poser énigme. De léproserie, il n'y eut jamais à Saint-Apollinaire : Henri Chabeuf l'affirme ; François Lacoste n'en dit mot ( " Histoire de Saint-Apollinaire" - ICI ) ; rien - à ma connaissance - ne permet de les contrarier. S'agit-il de la "Maladière de Dijon", à mi-chemin du Castrum dijonnais et de la Motte Saint-Apollinaire ? L'hypothèse reste vraisemblable malgré le schéma allégorique bertrandien  peu conforme - et pour cause - aux descriptions de la monographie de Joseph Garnier, ICI


(



La chapelle de l'ancienne Maladière - dont l'entrée était marquée de la Croix - est aujourd'hui dévolue au culte orthodoxe.









Hilarion



Hilarion né en 291 (+-) à Tabath(e), près de Gaza (Palestine), disciple de Saint-Antoine,  est de ces anachorètes radicaux voués au Christ dans les premiers siècles de notre ère. Sa vie, véritable roman d'aventures conté par Saint-Jérôme ICI (page 239) , le mènera des déserts égyptiens à l'île de Chypre où il mourra le 21 octobre 371.

Louis aurait tiré l'épigraphe des "Reitres" (Or, un jour Hilarion fut tenté par un démon femelle qui lui présenta une coupe de vin et des fleurs" ) de ces épisodes biographiques sans toutefois en préciser l' exacte origine ( "Vie des pères du désert"). Saint-Jérôme, repris par nombre d'autres commentateurs, se contente d'indiquer : "Combien de fois, lorsqu'il était couché, des femmes toutes nues se sont elles présentées devant lui ! et combien de fois, lorsqu'il avait faim, des festins magnifiques ont-ils paru devant ses yeux ?". Ce sera le thème du tableau ("La tentation de Saint-Hilarion" - ci-dessous) d'Octave Tassaert (1800-1874).







Dominique PAPETY (1815-1849) en donnera une autre version (" La tentation de Saint-Hilarion" - 1843) qui, si elle n'est n'est pas une interprétation de l'épigraphe, laisse entrevoir une seconde transposition plus adéquate au triptyque épigraphe/poème/tableau.




Louis Ménard (1822-1901), condisciple de Baudelaire au Lycée Louis-le-Grand et ami personnel de Leconte de Lisle, a consacré une de ses rêveries à "La légende de Saint Hilarion", en suite d'une relation de Saint Sulpice-Sévère (363 - ?) ( "Rêveries d'un païen mystique" - Guy Trédaniel Editeur ). Elle éclaire, s'il en est besoin, le poème ("Les Reîtres") ; en voici un court extrait :

" Hilarion s'assit près de la fontaine, la tête dans ses deux mains. Il entendit une voix de cristal qui disait : " Eros, tu es fatigué ; veux-tu boire de l'eau de ma source ?". A ce nom d' Eros qu'il portait dans sa jeunesse, il tressaillit et leva la tête. Il vit, debout devant lui, une belle jeune fille, rose dans le reflet du soir, et couronnée de fleurs de nénuphar. De ses grands yeux noirs jaillissaient de pâles étincelles. Il reconnut ce regard : il l'avait vu une fois, quand il était jeune et qu'elle était une enfant. - Qui es-tu ? demanda-t-il. - Je m'appelle Ondine : tu me connais bien, c'est toi qui m'a donné une âme. Hélas qu'en ai-je fait ? Elle baissa les yeux, et à travers ses longs cils deux larmes tombèrent dans la fontaine. Alors elle prit de l'eau dans ses mains qu'elle arrondit en forme de coupe et elle présenta à boire à Hilarion ; l'eau tombait de ses doigts en perles lumineuses, au soleil couchant. Elle approcha ses mains des lèvres de l'ascète, et il but bu trop avidement sans doute, car il senti monter vers son front une ivresse inconnue. Il ne pensait à rien qu'à la regarder."



"Rêves" au Morimont



Précédemment décrit ( rubrique : Dijon - ci-contre ), le champ du Morimont a vu "de temps immémorial", nombre de supplices hideux et trépas lamentables. Michel Hilaire Clément-Janin (1831-1885), journaliste local, en a fait un livre intitulé "Le Morimont de Dijon - Bourreaux et suppliciés" - publié par son fils Noël en 1889 - d'après les archives de la ville. On y retrouve peu ou prou l'ombre des personnages d' "Un rêve" parmi une longue succession de cauchemars. On peut le lire  ICI.
 
Victor Hugo ajouta à ces douceurs d'époque une ultime relation dans sa préface au "Dernier jour d'un condamné" datée du 15 mars 1832 : 

" A Dijon, il y a trois mois, on a mené au supplice une femme. (Une femme !). Cette fois encore le couteau du docteur Guillotin a mal fait son service. La tête n'a pas été tout à fait coupée. Alors les valets de l'exécuteur se sont attelés aux pieds de la femme, et à travers les hurlements de la malheureuse, et à force de tiraillement et de soubresauts, ils lui ont séparé la tête du corps par arrachement."

Peut-être le public affriandé en a-t-il conclu, tout riant, qu'il s'agissait-là d'une "drôle de giroflée".


*


P. S. : "drôle de giroflée" est une expression de grand-mère - du moins de la mienne - désignant une jeune fille "originale" au regard de la morale traditionnelle. Faute d'exemples récents, elle est tombée en désuétude.


" Moult me tarde "



"Moult me tarde", devise de Philippe le Hardi, est donnée par certains comme l'origine du mot moutarde ("Cette devise est l'étymologie du mot moutarde parce que les vinaigriers de Dijon, très renommés pour la préparation de cette substance, plaçaient sur les pots les armoiries de leur duc avec sa devise " - Just Jean E Roy - "Histoire de la Chevalerie). Plus vraisemblable est  cette racine dans les latins "Mustum" (moût) et "Ardens" (ardent), la prime moutarde étant mélange de vin aigre tiré du moût de raisin et de graines de sénevé broyées. Le mot, au demeurant, figure dans des textes antérieurs à l'avènement ducal du premier Valois-Bourgogne ( ex : Cartulaire d'Igny - 1323 - Gilles dit moustardier.).






Il en va autrement de l'appellation singulière "moutarde de Dijon" dont on peut trouver la source dans les "Equivoques" du dijonnais pur jus qu'est Etienne Tabourot des Accords (1547-1590) ICI ( vues 87/88 page 30 des "Equivoques françois" ) et le liant du calembour de François Rabelais ICI ( "Et un pot à moustarde, que c'est mon cœur à qui moult tarde" -Gargantua - 1534 - page 30 )






On retrouvera idem bon mot dans ce que les jésuites dijonnais appelaient une "énigme en tableau", ainsi rapportée dans son glossaire des "Noëls bourguignons" de Gui Barozai par Bernard de la Monnoye (1641-1728) ICI (page 333 - moutade) : " Multum tardat divio rixam" laquelle pouvait se lire comme un appel à la sédition ( il tarde a Dijon de se battre ) mais signifiant : multum/moult - tardat/tarde - divio/Dijon - rixam/noise = moutarde dijonnoise.






Bruges ( Brugge )



Bruges (étymologiquement ponton, jetée, quai), comptoir hanséatique des mers boréales, miroirs du "Sanglier" puis de l "Ourse" - ICI - a toujours, par nature, recelé les ferments de révoltes contre l'ordre aristocratique traditionnel. L'argent abondant du négoce drapier, soumis aux privilèges institutionnels de la seule naissance, ne pouvait que réclamer justice et, selon  fortune du temps ou du seigneur, arracher les franchises et racheter ses défaites.






"Les Flamands", chronique éminemment politique, les symbolise toutes comme le monument à Pieter de Coninck et Jan Breydel - ICI - sur la place du "Markt", face au très robuste beffroi carillonnant et à l'élégant hôtel régional :










On y perçoit néanmoins, les traces d' évènements survenus sous Philippe le Hardi en 1382 (" Les gens de Bruges s'épouvantèrent, prirent la fuite, laissèrent là leurs armes, se dispersèrent. Jamais on ne vit d'aussi lâches combattants après avoir été si présomptueux. Les chevaliers ne purent pas même essayer de les rallier, ni s'opposer à l'ennemi ; ils furent entrainés par la déroute. Le comte de Flandre lui-même fut abattu de son cheval et tiré à grand peine de la presse et du péril. Une peur panique avait gagné tout le monde ; on s'enfuyait à qui mieux mieux ; le fils n'attendait pas le père, ni le père le fils") et celles de la soumission de la cité à Philippe le Bon en 1438 (" Le duc de Bourgogne consentit à les admettre en sa présence ; ils se mirent à genoux, et entendirent dans cette humble attitude la lecture de tous les crimes de leurs concitoyens. Ils crièrent  : " Merci, merci aux gens de votre ville de Bruges !" et se trainèrent ainsi jusqu'aux pieds de leur seigneur. " [.../... ] " La ville de Bruges paiera deux cent mille rixdalles d'or à son seigneur.")( "Histoire des Ducs de Bourgogne de la Maison de Valois" - Prosper de Barante - ICI ).




Hôtel de Ville


S'y trouve aussi la dénonciation de la collusion du pouvoir et de l'argent car, somme toute, si l'on menace paternellement le bourgeois, on ne "branche", pour la montre, que les chefs des gardiens de son ordre ; on ne brûle que le faubourg qu'il n'habite pas ; on efface des bannières le seul symbole populaire de la liberté sauvage. Il n'y a pas là, n'en déplaise à André Breton, surréalisme dans le passé.






Charles le Téméraire (Karel de Stoute)



Né le 10/11 novembre 1433 à Dijon, Charles le Téméraire ( Karel le Stoute en Flandre ), évoqué à plusieurs reprises par Louis dans son livre liminaire ( " Hélas, on voit bien que le duc Charles et sa chevalerie partis, - il y aura bientôt quatre siècles, pour la bataille, n'en sont pas revenus. " ) a tout entier été éduqué dans les Flandres par le sire d'Auxy et Jacques de Lalaing. Comme son père, Philippe le Bon, il viendra peu dans sa ville-capitale déterminé qu'il était par des rêves glorieux contraires à ceux de l " universelle aragne " ( Louis XI ).






Achevé le 5 janvier 1477, sous Nancy, par le châtelain de la Tour du Mont, gentilhomme de Saint-Dié (?), il sera inhumé en grande pompe dans un caveau de la collégiale Saint- Georges de Nancy. En 1550, son corps (?) sera transféré à l'église Notre-Dame de Bruges (Brugge) sur demande de Charles Quint, où il demeure depuis, près du tombeau de sa fille, Marie de Bourgogne, et du cœur de son petit-fils, Philippe le Beau.










Misère



On savait déjà fragile l'équilibre budgétaire du foyer Bertrand du vivant de Georges, titulaire d'une pension annuelle de 1200 francs, complétée par une rente servie à leur sœur par les Davico et les interventions ponctuelles de la tante Lolotte. Il le sera autant, voire plus, après la disparition du chef de famille ( 27 février 1828 ) et le départ de Louis pour Paris début novembre 1828 ( passeport du 3 novembre ). Cependant, cette situation ne devait pas émouvoir le maire de Dijon qui, en réponse à une lettre du 7 novembre 1828 par laquelle Laure sollicitait l'exemption de la charge du logement des gens de guerre, devait lui répondre  le 25 novembre - se basant implicitement sur le nouveau quotient familial ( Archives de la Ville de Dijon - Registre courrier cote  2 D1 - 28 ) :



" A Madame Veuve Bertrand, rue Chapelotte n° 18, à Dijon.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 7 de ce mois pour réclamer l'exemption des gens de guerre, basée sur vos faibles moyens d'exister.

Quoiqu'il m'eût été agréable de pouvoir être utile, je ne peux, en cette circonstance faire droit, quant à présent, à votre demande parce que j'ai la conviction que la charge du logement militaire est supportée sans réclamation par des habitants qui sont dans une position encore moins heureuse que la vôtre"










Armes d'Anhalt-Coëthen

Aragon



Les hasards d'une manipulation et d'un signet abandonné - sûrement à dessein - m'ayant fait redécouvrir un texte de Thierry Roger citant largement Aragon ( extrait tiré de la revue EUROPE, n° 10, octobre 1946 - recueilli dans "Chroniques du bel Canto "  Les Editeurs Français Réunis - 1979, p 102-103), je ne résiste pas au plaisir de le faire partager ici :


"Plus que Rabbe pourtant c'est Aloysius Bertrand ( auquel Baudelaire se réfère en tête des Petits poèmes en prose), qui définit le poème en prose chez nous. Rabbe a trouvé le chant du poème en prose, mais le poème ( cette musique d'abord préludée, puis qui s'élève, et retombe, et s'éteint), le poème en prose en tant que poème, c'est chez nous à Aloysius Bertrand qu'il revient de lui avoir donné sa première forme, celle d'où sortiront et Baudelaire et Rimbaud ; et plus tard Reverdy, Max Jacob, Eluard. Savait-il ce qu'il faisait ? La littérature est pauvre qui le concerne. Il y a le risque qu'on ne voit en lui que ce fignoleur de tableautins qui en ferait plus le prédécesseur des Parnassiens que de Rimbaud. Sans doute a-t-il tout fait pour cela, ce poète de Bourgogne ; qu'on peut s'il le veut, réduire à cette ambition avouée d'avoir peint des scènes qui s'inspirent à la fois de Rembrandt et de Callot, mais qui est cependant l'inventeur de tout autre chose, d'une articulation du langage jamais avant lui rencontrée, d'une modulation du parlé qui ouvre l'ère de la musique savante. ( .../...)

Il n'y a pas de livre qui se lise avec plus d'étonnement, de désappointement voulu, que ce Gaspard de la Nuit, où Aloysius Bertrand semble toujours comme Jean des Tilles, l'eau chantante ou l'ablette, vous glisser dans les doigts. Pour la première fois, le poète semble parler d'ailleurs, et longtemps je me suis demandé pourquoi. Je me suis peu à peu assuré que ce dépaysement de la voix vient du fait qu'alors l'auteur se tenait en un lieu nouveau, étrange, étranger : il était au seuil du poème en prose, d'un poème à l'état naissant. Ce qu'il a écrit garde pour nous l'étonnement qu'il en eut, de l'audace tremblante qu'il éprouvait à ne pas rimer, à ne pas aller à la ligne, ou seulement au bout d'une strophe hérétique. La poésie de Gaspard de la Nuit, c'est celle d'une porte qui s'ouvre, d'un gond qui tourne, et il faut plaindre ceux qu'une porte qui s'ouvre a cessé d'émerveiller (.../...)"

Quant au commentaire éclairé de Thierry Roger, on peut le lire dans : "Un livre d'art fantasque et vagabond" Gaspard de la Nuit d'Aloysius Bertrand - Sous la direction d'André Guyaux - Editions Classiques Garnier - 2010.



Aragon


Michèle Reverdy



A l'instar de Maurice Ravel et Émile Vinteuil ( Cf "Association pour la Mémoire d'Aloysius Bertrand" - lien ci-contre ), Michèle Reverdy, élève d'Olivier Messiaen et Claude Baillif, a composé, sur les thèmes des poèmes " Les cinq doigts de la main" - " Les rochers de chèvremorte" et "La chanson du masque", une œuvre intitulée " Trois fantaisies de Gaspard de la Nuit". Alliant tradition et modernité, elle a su, me semble-t-il, mieux peut-être que les précédents, rendre compte de l'esprit bertrandien faisant de "Gaspard" une perpétuelle découverte. On peut apprécier ces compositions ICI


Edition "La Compagnie Typographique" - 1978



Cette édition en 88 exemplaires nominatifs ( et 25 pour collaborateurs ), préfacée par Rose Fortassier, ornée d'une marque de Robert Blanchet ( typographe, graveur, pressier - 1921-2009 ) présente l'intérêt, hors la qualité matérielle de l'ouvrage, d'être en grand format et forts caractères typographiques.







Un certain "Capitaine Effer"



Simple soldat engagé, courant 1832,  au 46° Régiment d'Infanterie, il prendra sa retraite à Dijon (21), en août 1864, au grade de capitaine. Alors journaliste, il collaborera, apparemment sans grand éclat, au journal " Le Progrès de la Côte d'Or" , sous les pseudos de "FR", "Capitaine FR" ou "Effer". Il est décédé le 17 novembre 1878, âgé de soixante quatre ans, à son domicile, 3, place Saint-Bernard à Dijon (21) ( Acte n° 1046 du 17 novembre 1878 - page 271/336 du registre des décès de la Ville de Dijon ICI ).


Son nom est plus célèbre que sa signature puisque ce martial pigiste n'est autre que Frédéric Rimbaud né le 7 octobre 1814 à Dole (39) de Didier -19 avril 1786 à Dijon (21) - et de Catherine Taillandier, père de "l'homme aux semelles de vent". Rien ne le rattache évidemment à Louis Bertrand mais, pour les poètes, les signes d'accointance ne manquent pas. Ainsi le 18 novembre 1878,  pouvait-on lire dans "Le Bien Public" et "Le Progrès de la Côte d'Or" l'avis de décès suivant - copie quasi conforme à celui de Georges Bertrand :


 " Les familles Rimbaud et Cuif prient les personnes qui, par oubli, n'auraient pas reçu de lettre de faire-part du décès de M. Frédéric Rimbaud, capitaine en retraite, chevalier de la Légion d'Honneur, de vouloir bien assister à ses convoi et enterrement qui auront lieu aujourd'hui, lundi 18 novembre 1878, à 4 heures du soir, en l'église cathédrale Saint-Bénigne. Réunion place Saint-Bernard, 3".


Quant à Arthur,  il était déjà, les poings dans ses poches crevées, sur le sentier lumineux des étoiles du Harar.



" A la Cigogne "



Parmi les œuvres poétiques de Louis Bertrand publiées par Cargill Sprietsma en 1926, deux poèmes, intitulés : "La chanson de l'hôtelier. Qui s'esjouit, après vespres, en compagnie d'un moine et d'un hérault d'armes " ( daté 3 septembre 1828 ) et " l'Hôtellerie " (non daté), débutent par : " Or, à la Cigogne " :



La chanson de l'hôtelier

I

- Or, à la Cigogne, -
Hérault de Bourgogne,
Moine de Trévoux,
Devant cette braise
Assis à votre aise,
Sans camail ni fraise
Chauffez-vous. -


L'hôtellerie

I

Or, à la Cigogne,
Place du marché,
Le Duc de Bourgogne
Hier à couché,
Et ce soir encore
Son falot décore,
Comme il est minuit,
L'ogive fleurie
De l'hôtellerie
Qui bourdonne et crie
Rouge dans la nuit.



Cargill Sprietsma et H.H. Poggenburg suggèrent, qu'à défaut d'une telle enseigne hôtelière à Dijon (  Inconnue des " Hôtelleries dijonnaises à partir du XV ° siècle" - Clément-Janin - 1878 ), on pourrait expliquer sa mention par la présence, au temps de Philippe le Bon, d'un nid de cigognes sur une cheminée du Logis du Duc ( Courtépée " - "Description historique [.../...] du duché de Bourgogne" - Tome 2 - page 101] lui conférant le statut d'hôtellerie ducale. Je lui préfère la suivante, tout aussi hypothétique, mais annonçant une des manières de " Gaspard de la Nuit ".


 L'enseigne " A la Cigogne " ( exactement : " à l'enseigne de la cigogne" ) est  celle des faïenciers dijonnais Sigault qui tenaient boutique rue de Maison Rouge ( rue Berbisey ) puis 42, rue Amiral Roussin à DIJON (21), à deux pas du 16/18, rue Chapelotte - domicile des Bertrand (1828). Leur marque est d'ailleurs toujours gravée sur la façade à cette dernière adresse, près du marché de la "Portelle du Bourg", castrum extra-muros :







Louis faisant référence dans la "Chanson de l'hôtelier" à la production faïencière et indiquant clairement - comme le note H. H. Poggenburg - qu'il "imite un tableau", on peut en déduire qu'il s'agit là de l'évocation d'un décor imaginé de faïencerie.



II

Assis sur la table,
Moine respectable
D'un signe de croix
Bénis cette argile
De vin de saint Gille
Que durant vigile
Nous boirons nous trois

III

Bourguignon, découpe
Entre pots et coupe
Au fil du couteau,
Ce canard sauvage
Qui passe à la nage
Le long du rivage
De ce gros tourteau

VI

Et d'ouïr, gros père,
Là bas au loin braire
Et descendre l'eau,
Ces ânes qu'en croupe
Enfourche une troupe
D'enfants, joli groupe
Au fond du tableau !





L'analyse de "L'hôtellerie" - et de ses variantes - rend plus dubitatif ("logis flamand" renvoie cependant, dans le contexte, à une illustration ) mais peut-être cette cigogne a-t-elle livré deux poèmes d'une argile différente.









P. S. : les  poèmes sont publiés dans "pages" - ci-contre.


Promenade estivale au jardin de l'Arquebuse.


"J'étais un jour assis...."











Synthèse



Une fois n'étant pas coutume, je me permettrai de signaler, parmi d'assez nombreux ouvrages d'une même haute tenue ( répertoriés sur le site de l'Association pour la Mémoire d'Aloysius Bertrand ), celui de Christine Marcandier et Sandrine Bédouret-Larraburu, aux Editions "Atlande" - collection  "Clefs concours - Lettres XIX° siècle". D'une lecture facile et agréable,  il synthétise nombre de travaux récents et fourmille de renseignements et avis de qualité. Mien livre de chevet et de loisir, il présente malheureusement - du moins mon exemplaire - l'inconvénient de perdre régulièrement ses pages. Mais peut-être est-ce là une manifestation de ce diable de Gaspard.








P. S. : A noter cependant, l'impardonnable "crime" de lèse-dijonnais délibérément commis en ces termes par Christine Marcandier page 118 : " Aloysius Bertrand chante le haut et le noble comme le bas (la moutarde)" - je souligne. "Crime" ? non seulement, mais contrevérité pour un condiment goûteux qui ne manque ni de sel ni de piquant.


Abbayes, monastères....


"J'eus bientôt déblayé le Dijon des XIVe et XVe siècles.....avec ses abbayes, ses monastères, qui faisaient des processions de clochers, de flèches, d'aiguilles, déployant pour bannières leurs vitraux d'or et d'azur, promenant leurs reliques miraculeuses, s'agenouillant aux cryptes sombres de leurs martyrs ou au reposoir fleuri de leurs jardins"


les Bernardines


les Carmélites


Tours, portes et portelles



Le branle étant danse moyenâgeuse de la famille des rondes, l'image des cavalières et cavaliers, liés par les mains et courant d'un même mouvement vers la gauche en sautillant d'une jambe sur l'autre, s'impose sans qu'il soit besoin d'exécuter un croquis. Cependant, en l'occurrence, si la musique reste commune, les danseurs se répartissent en deux groupes : ceux du "Castrum" - au centre avec les quatre poternes ou portelles  ( à l'intersection des trois rues principales et des vieux remparts ) et ceux de la grande ronde extérieure des portes et tours attenantes :





Au "Castrum"

1- Porte au(x) Lion(s)
2- Porte Vacange
3- Porte du Bourg
4- Porte Saint-Etienne



Au centre le "Castrum"



A l'enceinte générale


1- Porte Saint-Pierre (Sud)
2- Porte des chanoines ou Porte Neuve (Est)
3- Porte au Conte de Saulx ou de Saint Nicolas (Nord-Est)
4- Porte Bouchefol ou Fermerot (Nord)
5- Porte ou Tour aux Anes (Nord)
6- Porte Guillaume (Nord -Ouest)
7- Porte d’Ouche (Sud-Ouest)
8- Porte Fondoire ou Nanxion (Sud)



l'enceinte générale



A la porte Guillaume (Nord-Ouest)

                                            1- La Tour de Reine                                                
                                            2- La Tour Saint-Georges                                        
                                          3- La Tour Charlieu                                                
                                          4- La Tour Saint-Philibert                                       


la tour Saint-Georges


la porte Saint-Pierre
le bastion de Guise


A la  porte d’Ouche (Sud - Ouest)

            5- La Tour Quarrée                   
                             6- La Tour Nancion                                    
                  7- La Tour Saint-André                    
8- La Tour Fondoire     


La Tour Saint-André

la tour  Fondoire et le boulevard de Guise



A la porte Neuve ou des Chanoines (Est)

11- La Tour Saint-Antoine
12- La Tour Saint-Michel
13- La Tour Rouge
14- La Tour Quarteau



la porte Neuve
remparts près la porte Neuve


A la porte Saint Nicolas (Nord-Est)

15- La Tour Saint-Nicolas
16- La Tour au Fermerot
17- La Tour aux Anes ou la Trimouille
18- La Tour Poinsard-Bourgeoise


le bastion Saint-Nicolas

la porte Saint-Nicolas

la tour de la Trimouille
 

Tel était le contenant de ce " Dijon des 14° et 15° siècles autour duquel courait un branle de dix huit tours, de huit portes et de quatre poternes ou portelles - le Dijon de Philippe-le-Hardi, de Jean-sans-Peur, de Philippe-le-Bon, de Charles-le-Téméraire " rapidement déblayé de son contenu par Gaspard de la Nuit.


*


P. S. : gravures tirées de l'ouvrage "Dijon pittoresque et Dijon qui s'en va" de M. V. Prost - 1885.