Destins croisés



Le premier est né le 20 avril 1807 à CEVA (Piémont), fils d'un officier de carrière, et de Laure Davico, fille d’édile local ; le second le 15 décembre 1832 à DIJON (Côte d’Or), d'un sous-officier de carrière,et de Catherine-Mélanie Moneuse, fille de marchand de bois.

Le premier domicilié, à la retraite de son père, 4, rue de Richelieu (ou 13, Rempart de la Miséricorde - la maison possèdait une entrée sur chaque rue) à DIJON (Côte d’Or) hante les remparts de la ville et alentour la campagne ; le second, placé chez sa grand-mère, «  la maman Moneuse », rue Turgot, près le Rempart Tivoli, explore les mêmes abords.

Le premier, élève sauvage et fier, obtient le second prix de discours français et le premier de rhétorique au Collège Royal de DIJON ; le second, élève médiocre, un quatrième accessit de version latine et un troisième de version grecque, dans le même établissement.

L’un meurt le 29 avril 1841 à PARIS (Seine), âgé de 34 ans ; l'autre le 27 décembre 1923 à PARIS (Seine), à l'âge de 91 ans.

Entre-temps, le premier, Louis Bertrand, est devenu « Aloysius Bertrand », poète pauvre et méconnu ; le second, Gustave Bonnickhausen dit Eiffel,ingénieur-industriel, riche et mondialement célèbre.

Ils ne se sont, bien entendu, jamais rencontrés ( une génération les sépare) mais un homme leur est  commun : il s'agit de Jean-Baptiste Mollerat (1772-1855), chimiste, inventeur du "vinaigre Mollerat" (acide acétique) et du "Vert Mollerat" (peinture), oncle influent de Gustave Eiffel. C'est ce même Jean-Baptiste Mollerat (2) qui, actionnaire du "Patriote de la Côte d'Or", dira de Louis : " Ce poète a toujours le nez dans les nuages et ne voit pas ce qui se passe à ses pieds", formule "goutte d'eau" provoquant sa démission immédiate et son départ définitif de Dijon (6/8 janvier 1833).



Gustave Eiffel


(1) Les noms à consonance germanique étant mal considérés suite à la guerre de 1870, Gustave Bonnickhausen prendra légalement le nom (décret du 1er avril 1879) du massif montagneux allemand d'où sa famille est originaire.

(2) Voir la lettre de Frédéric Bertrand à Henri Chabeuf dans "Pages".