Le premier biographe - Auguste Petit



Le premier biographe de Louis Bertrand a été un de ses condisciple au Collège Royal de Dijon, à savoir Auguste PETIT qui, dans une communication faite le 24 novembre 1865 à l’Académie Delphinale de Grenoble,l'a présenté. Cette intervention est l’ une des premières à attirer l’attention sur le poète et son œuvre. En voici les principaux passages ( les considérations littéraires générales et les poèmes cités ne sont pas repris ) :

« Bertrand se mêlait rarement aux jeux bruyants de ses condisciples. Une humeur inquiète, une sorte de sauvagerie et de fierté native, unies à une extrême douceur, l’entraînaient dans des lieux écartés où il laissait un libre cours à ses rêveries. Il allait, seul, le nez au vent, les mains dans les poches s’asseoir sous le vaste peuplier du jardin de l’Arquebuse, qui depuis plus de cinq siècles brave les efforts du temps ; ou, s’enfonçant sous les ombrages de la Chartreuse de Dijon, ce Saint-Denis des Ducs de Bourgogne, aujourd’hui asile des plus navrantes douleurs qui puissent affliger l’humanité, il admirait devant le « Puits de Moïse » les imposantes figures des six prophètes, dues au ciseau du hollandais Claus Slüter, « ymaigier » des Ducs ; - ou les petits moines en marbre blanc, délicatement sculptés, qui encapuchonnés et le brévaire à la main, entourent processionnellement, dans les attitudes naïves du recueillement et de la douleur, les tombeaux de Philippe le Hardi, de Jean Sans Peur et de Marguerite de Bavière. Tantôt, accoudé sur le parapet des remparts qui n’existaient pas en 1513, lorsque 20000 Suisses, moins avides de gloire que de riche rançon, levèrent le siège entrepris inutilement contre la vaillante cité commandée par La Trémouille, il plongeait ses regards sur l’immense plaine baignée par la Saône, ou bien loin, à l’extrême horizon sur les cimes neigeuses des Alpes du Dauphiné et de la Savoie ; tantôt arrêté devant les tarasques grimaçantes penchées aux toits du Palais des Ducs - devant le Jacquemart de l’Eglise Notre-Dame, enlevé à la ville de Courtrai par Philippe le Hardi, - à l’ombre de la tour de Bar, où fut enfermé René d’Anjou - au pied des lourds bastions du château de Louis XI…[…/…]

Il a décrit dans les pages pleines de verve et d’entrain qui ouvrent son « Gaspard de la Nuit », l’émotion qu’il ressentait à « galvaniser » l’antique capitale des Ducs, qu’il aimait disait-il « comme l’enfant sa nourrice …. » […/…]

Je ne connais point de tableau plus saisissant que cette revue pressée, haletante, cette course échevelée à travers les temps, les hommes, les faits qui rendent à l’histoire de l’ancien Dijon, à ses monuments, à ses héros, la physionomie qu’ils avaient au moyen-âge Et ces pages si colorées, celle ou la rêverie transporte Bertrand parmi les sites variés qui entourent Dijon, ont un haut goût de terroir, un arôme particulier dont un « bourguignon salé », mieux que tout autre peut-être, saura reconnaître la pénétrante saveur. […/…]

Sans prétendre exagérer l’importance de ces petits tableaux, ne doit-on pas être frappé du charme qu’ils reflètent, de la légèreté de la touche, du choix des images, de la délicatesse des ornements qui les distinguent ? Ce ne sont pas des vers, il est vrai ; la rime manque à ces strophes cadencées, mais la poésie ne manque pas à la pensée qui les a dictées. La concision même du style accuse chez son auteur une maturité d’esprit, une sagesse de réflexion qui ne se laisse point dominer par l’imagination, quelque brillante qu’elle soit. On a comparé ces compositions aux ciselures, aux pièces d’orfèvrerie que les artistes du moyen-âge et de la renaissance fouillaient avec une patience et une dextérité merveilleuses. Ne dirait-on pas, en effet, que ces bijoux ont été retrouvés dans un de ces coffrets, d’un métal et d’un travail précieux, conservé avec soin, et transmis d’héritage en héritage, dans les opulentes successions de la Hollande ?

Et ces pages, dignes du pinceau de Metzu, que leur auteur avait mis tant de veille à polir, dont il écoutait attentivement le nombre et l’harmonie, satisfaisaient-elles du moins son esprit avide de perfection ? Etaient-elles pour lui la réalisation complète du Beau ? Hélas ! Non. […/…]

Le livre eu la destinée de son auteur : humble, incomplète, tronquée. Goûtée de quelques esprits d’élite, religieusement conservée par les amis de Bertrand, il resta inconnu du plus grand nombre. Il n’eut pas , dans la patrie d’adoption du poète, le retentissement que celui-ci s’était promis, et dont la consolante perspective, à ses derniers moments, avant de s’élancer dans un monde meilleur, lui faisait peut-être oublier les tourments et les angoisses qui avaient marqué son passage ici-bas ».


Les maisons de Louis




Le 15 décembre 1815, le capitaine de Gendarmerie Georges Bertrand (en poste à Ceva - 17/06/1805 ; Spolète - 15 mars 1812 ; Mont de Marsan -3 septembre 1814 ) atteint par la limite d’âge, quittait le commandement de la compagnie des Landes , pour rejoindre sa fille Denise, née d’un premier mariage, et ses sœurs ( à lui), Françoise-Marguerite - la tante Lolotte -, Jeanne - la tante Tonton et Françoise-Elisabeth, dite Pierrette. Ces dernières habitaient une maison élevée sur la pente intérieure de l’ancienne enceinte fortifiée de Dijon. On pouvait y accéder par le 4, de la rue de Richelieu et le 14, Rempart de la Miséricorde. Aujourd’hui détruite, elle était proche du Collège Royal et de Saint Bénigne.








« Quant au ménage Bertrand, la gêne le suivit dans ses divers logements, rue Guillaume - aujourd’hui partie de la rue de la Liberté, n° 51, dans une vieille maison du XV ° siècle - puis rue du Champ-de-Mars, enfin rue Crébillon, n° 6, où devait mourir le capitaine, dans un logis sans profondeur à cinq fenêtres de façade et à un seul étage surmonté de mansardes à lucarnes de pierre ; serré entre la porte ionique de l’ancien couvent des Carmes devenu la Visitation et l’hôtel de l’Académie universitaire ; c’est une maison de rapport construite au siècle dernier (XVIII)) par les religieux » nous dit Henri Chabeuf dans « Louis Bertrand et le romantisme à Dijon ». La voici de nos jours, assez peu modifiée, sauf bien entendu les logements encore récemment occupés. L’entrée s’effectuait par une porte indépendante 4, rue Crébillon ,donnant par un couloir sur une courette intérieure dotée d’un puits, desservant le rez-de-chaussée, l’étage, les mansardes et greniers.























A son retour de Paris, le 4 avril 1830, Louis habitera chez sa mère 92, rue des Godrans et 16, rue Berbisey. Ce serait à une fenêtre de cette maison qu'aurait été arboré le premier drapeau tricolore post-révolutionnaire vu à Dijon, confectionné par Elisabeth, soeur du poète.








Louis se rendait très souvent chez son beau- frère Abel Bonnet, époux de sa demi-sœur Denise, 4, rue Porte au Lion. Ils y devisaient et dessinaient des pendus.