A M. Victor HUGO



Le livre mignard de tes vers, dans cent ans comme aujourd'hui, sera le bien choyé des châtelaines, des damoiseaux et des ménestrels, florilège de chevalerie, Décaméron d'amour qui charmera les nobles oisivetés des manoirs.

Mais le petit livre que je te dédie, aura subi le sort de tout ce qui meurt, après avoir, une matinée peut-être, amusé la cour et la ville qui s'amusent de peu de chose.

Alors, qu'un bibliophile s'avise d'exhumer cette œuvre moisie et vermoulue, il y lira à la première page ton nom illustre qui n'aura point sauvé le mien de l'oubli.

Sa curiosité délivrera le frêle essaim de mes esprits qu'auront emprisonnés si longtemps des fermaux de vermeil dans une geôle de parchemin.

Et ce sera pour lui une trouvaille non moins précieuse que l'est pour nous celle de quelque légende en lettres gothiques, écussonnée d'une licorne ou de deux cigognes.


*


Ce petit livre (en VO), on peut le lire  ICI




DAVICO



On sait relativement peu de choses de la famille DAVICO malgré sa présence répertoriée à CEVA (Italie) en 1357. Giacomo, grand-père de Louis, veuf depuis le 6 décembre 1798, avait trois frères : Lorenzo, avocat ; Giuseppe, prêtre ; un autre Giuseppe, architecte. Il aura, outre Laure, deux fils : Jean-Baptiste, directeur des Postes à Turin ( il écrira à Balthazard les 26 septembre 1856 et 7 février 1857 afin d'obtenir des nouvelles de sa sœur....décédée le 9 septembre 1854 ) et "un autre" (sic Chabeuf) procureur général. "Syndaco" (Maire) avant la domination impériale, Giacomo continuera d'exercer ses fonctions pendant l'occupation française. A preuve ce document gracieusement transmis par Giorgio Gonella des services municipaux de la Ville de CEVA (Italie). Le nom a aujourd'hui disparu de la commune.





La "léproserie de Saint-Apollinaire"


Faisant mention, dans la première préface, d'une " léproserie de Saint-Apollinaire qui n'a qu'une porte et n'a point de fenêtres ", Louis ne manque pas - dans un contexte topographique habituellement exact - de poser énigme. De léproserie, il n'y eut jamais à Saint-Apollinaire : Henri Chabeuf l'affirme ; François Lacoste n'en dit mot ( " Histoire de Saint-Apollinaire" - ICI ) ; rien - à ma connaissance - ne permet de les contrarier. S'agit-il de la "Maladière de Dijon", à mi-chemin du Castrum dijonnais et de la Motte Saint-Apollinaire ? L'hypothèse reste vraisemblable malgré le schéma allégorique bertrandien  peu conforme - et pour cause - aux descriptions de la monographie de Joseph Garnier, ICI


(



La chapelle de l'ancienne Maladière - dont l'entrée était marquée de la Croix - est aujourd'hui dévolue au culte orthodoxe.









Hilarion



Hilarion né en 291 (+-) à Tabath(e), près de Gaza (Palestine), disciple de Saint-Antoine,  est de ces anachorètes radicaux voués au Christ dans les premiers siècles de notre ère. Sa vie, véritable roman d'aventures conté par Saint-Jérôme ICI (page 239) , le mènera des déserts égyptiens à l'île de Chypre où il mourra le 21 octobre 371.

Louis aurait tiré l'épigraphe des "Reitres" (Or, un jour Hilarion fut tenté par un démon femelle qui lui présenta une coupe de vin et des fleurs" ) de ces épisodes biographiques sans toutefois en préciser l' exacte origine ( "Vie des pères du désert"). Saint-Jérôme, repris par nombre d'autres commentateurs, se contente d'indiquer : "Combien de fois, lorsqu'il était couché, des femmes toutes nues se sont elles présentées devant lui ! et combien de fois, lorsqu'il avait faim, des festins magnifiques ont-ils paru devant ses yeux ?". Ce sera le thème du tableau ("La tentation de Saint-Hilarion" - ci-dessous) d'Octave Tassaert (1800-1874).







Dominique PAPETY (1815-1849) en donnera une autre version (" La tentation de Saint-Hilarion" - 1843) qui, si elle n'est n'est pas une interprétation de l'épigraphe, laisse entrevoir une seconde transposition plus adéquate au triptyque épigraphe/poème/tableau.




Louis Ménard (1822-1901), condisciple de Baudelaire au Lycée Louis-le-Grand et ami personnel de Leconte de Lisle, a consacré une de ses rêveries à "La légende de Saint Hilarion", en suite d'une relation de Saint Sulpice-Sévère (363 - ?) ( "Rêveries d'un païen mystique" - Guy Trédaniel Editeur ). Elle éclaire, s'il en est besoin, le poème ("Les Reîtres") ; en voici un court extrait :

" Hilarion s'assit près de la fontaine, la tête dans ses deux mains. Il entendit une voix de cristal qui disait : " Eros, tu es fatigué ; veux-tu boire de l'eau de ma source ?". A ce nom d' Eros qu'il portait dans sa jeunesse, il tressaillit et leva la tête. Il vit, debout devant lui, une belle jeune fille, rose dans le reflet du soir, et couronnée de fleurs de nénuphar. De ses grands yeux noirs jaillissaient de pâles étincelles. Il reconnut ce regard : il l'avait vu une fois, quand il était jeune et qu'elle était une enfant. - Qui es-tu ? demanda-t-il. - Je m'appelle Ondine : tu me connais bien, c'est toi qui m'a donné une âme. Hélas qu'en ai-je fait ? Elle baissa les yeux, et à travers ses longs cils deux larmes tombèrent dans la fontaine. Alors elle prit de l'eau dans ses mains qu'elle arrondit en forme de coupe et elle présenta à boire à Hilarion ; l'eau tombait de ses doigts en perles lumineuses, au soleil couchant. Elle approcha ses mains des lèvres de l'ascète, et il but bu trop avidement sans doute, car il senti monter vers son front une ivresse inconnue. Il ne pensait à rien qu'à la regarder."