Un ami : Antoine Tenant de Latour



Antoine-Louis Tenant de Latour né à Saint Yrieix (Haute-Vienne) le 31 août 1808 de Jean-Baptiste Tenant de Latour, chef du personnel de l’administration des Postes jusqu’en 1833,et de Marie Lamarche Mazerieux, fit de brillantes études au Collège Royal de Dijon ou il remporta le prix d’honneur de réthorique en 1825 et de philosophie en 1826. Entré à l’Ecole Normale Supérieure, il devint professeur agrégé aux collèges Bourbon et Henri IV, et précepteur d’Antoine d’Orléans, Duc de Montpensier, cinquième fils de Louis-Philippe, Roi des Français, en mars 1832, puis son secrétaire de commandements et le suivit en exil post-révolutionnaire en Angleterre et en Espagne.




le Duc de Montpensier




Rentré en France, il est mort à Sceaux le 27 avril 1881. Il a popularisé en France « Mes prisons » de Silvio Pellico, mais demeure inconnu pour ses oeuvres poétiques (La vie intime - Poésies diverses - Loin du foyer).



Un soir d’automne


Une source à mes pieds roule son eau limpide,
Et mêle son murmure à celui de mes vers,
Tandis qu’autour de moi tombe la feuille humide
Du saule qui déjà sent le froid des hivers.

A l’autre bord du lac, une beauté timide
Dessine, en se jouant, ces coteaux encore verts
Qui disputent en vain à son crayon rapide
Et leurs mille détours et leurs lointains divers.

Et parfois je crois voir une blanche nacelle
S’en venir d’elle à moi pour retourner vers elle,
Et la muse, au milieu, nous sourire en passant,

Et verser tour à tour de sa coupe bénie,
Aux changeantes lueurs du jour qui va baissant,
La lumière sur l’un, sur l’autre l’harmonie.



La Tour de Montlhéri

A Victor Hugo


Devant ton vieux donjon, ô tour de Montlhéri,
Folâtrent les enfants de toute la vallée,
Et je vois tressaillir ta crénelée
Sous l’ombre du passé qui s’éveille à leur cri.

J’ai peine à contempler ta majesté troublée ;
Mais une voix sortant du monument chéri :
- « Laisse, il faut à la mort que leur bouche ait souri,
« Et que toute grandeur sous leurs pieds soit foulée. »

Ainsi vont la nature et le temps ici-bas ;
L’une créant toujours, l’autre toujours, hélas !
Heurtant quelque débris qui tombe pierre à pierre.

Et lorsque le rêveur voit du pauvre manoir
Les enfants dans leurs jeux disperser la poussière,
Il les maudit d’abord, puis s’assied pour les voir. »





Antoine de Latour a entretenu des relations épistolaires avec son ancien camarade de collège ( figurant à l'édition des "Oeuvres complètes" de H. H. Poggenburg ), lui procurant parfois des subsides, intervenant pour lui obtenir un emploi :

"Ton billet me vient fort à propos, mon cher Bertrand, j'avais perdu le numéro de ta rue. Je suis allé à la poste il y a cinq jours et j'ai vu, non pas Monsieur Conte qu'on ne voit guère que par lettre d'audience, mais un des chefs de la division du personnel. Il m'a été répondu que note avait été prise de la demande faite par M. Hernoux, mais qu'il fallait une occasion, et qu'on ne pouvait jamais dire précisément quand elle arriverait ; que d'ailleurs beaucoup de demandes étaient faites, appuyées aussi de droits bien établis, chaque occasion amenait une concurrence nouvelle. Je t'avouerai aussi mon cher ami que je n'ai pas grande influence dans les bureaux, n'ayant connu tous ces messieurs qu'indirectement et pour les affaires de mon père. Quant à mon père, ses relations avec l'administration centrale sont toutes aujourd'hui de bienveillance, surtout depuis la suppression récente du corps des inspecteurs auquel il appartenait." (lettre du 27 mars 1833)




Le style en dit autant que le fond : fin de non-recevoir diplomatique. Pour Antoine de Latour,compte tenu de sa position, la prudence restait de mise avec cet ami fantasque qu'il ne rencontrera pas. Est-il vraiment intervenu auprès de la Reine Marie-Amélie ? Rien n'est moins sûr. Louis adressera néanmoins le sonnet suivant à la Reine :



Sonnet


(A la Reine des Français)



Ma muse languissait, triste, inconnue à tous,
Cachant des pleurs amers parmi sa manteline ;
Soudain elle reprend crayon et mandoline.
Muse, quel ange donc s'est assis entre nous ?

Madame, il est un ange, au front riant et doux,
Ange consolateur qui, dès l'aube, s'incline
Vers les mortels souffrants, la veuve et l'orpheline,
L'enfant et le vieillard, - et cet ange, c'est vous !
Votre nom soit béni ! Ce cri qui part de l'âme,
Ne le dédaignez point de ma bouche, Madame !
Un nom glorifié vaut-il un nom béni ?

Oh ! je vous chante un hymne avec joie et courage,
Comme l'oiseau mouillé par le nocturne orage
Chante un hymne au soleil qui le sèche en son nid.




la Reine Marie-Amélie