La Tour de Nesle





La section " Récits, contes et chroniques indépendantes de Gaspard de la Nuit " de l'édition H. H. Poggenburg des oeuvres complètes de Louis Bertrand fait état d'un texte intitulé " La Tour de Nesle " resté à l'état de manuscrit :




Etienne Marcel (wikipédia)


" Charles, fils aîné de Jean le Bon, prisonnier en Angleterre, et le roi de Navarre, si bien nommé le Mauvais, étaient tous deux sous les murs de Paris ; le premier était prêt à y entrer, comme un prince disposé à punir des sujets révoltés ; l'autre en était sorti précipitamment pour fuir les clameurs de la multitude qui lui reprochait de ne savoir la tirer d'affaire. On apprend bientôt à Paris qu'il a traité avec le régent de lui rendre la ville moyennant quatre cent mille florins pour racheter son père. Les parisiens se récrièrent contre la trahison du roi de Navarre qui avait fait ces conditions sans les consulter, et n'ouvrirent point les portes au régent. Plusieurs anglais que le Navarrais avait laissé après lui dans la ville furent impitoyablement massacrés par le peuple ; ce qui parvint à échapper aux furieux se répandit aux environs de la ville et, pour se venger, ravagea tout ce qu'il rencontra. La confusion et le trouble étaient dans Paris ; on demandait à grands cris de marcher contre eux. Etienne Marcel, le prévôt des marchands, qui les conduit, les fait tomber dans une embuscade concertée avec le roi de Navarre ; les parisiens rentrèrent à Paris en déroute, et le Roi de Navarre, qui était à Saint-Denis, s'approcha jusque sous les murs de Paris avec ses gens."


Charles le Mauvais (wikipédia)


Ce texte paraît être un résumé confus et partial de faits historiques ayant eu lieu entre le 11 janvier 1358, date du discours du dauphin Charles aux parisiens - discours des Halles - et le 2 août 1358, date de son retour dans la capitale. Entre-temps ont été assassinés Jean de Conflans et Robert de Clermont, ses proches conseillers, par Etienne Marcel, prévôt des marchands de Paris, et ses complices. Ce forfait commis le 22 février 1358, marquera la rupture des relations avec le dauphin, une conciliation étant toutefois tentée du 26 février au 4 mars 1358 à l'hôtel de Nesle à Paris, entre ledit dauphin et le roi Charles de Navarre. Le dauphin - régent du royaume à compter du 14 mars 1358 - se réfugiera en province. A la demande d'Etienne Marcel, Charles de Navarre sera nommé Capitaine de la Ville de Paris le 15 juin 1358. Profitant de cette nouvelle position, il mènera un triple jeu avec le dauphin et le roi Edouard III d'Angleterre. Chargé de la défense de la ville, il fera appel à des mercenaires de toutes nationalités venus des "Grande Compagnies", dont un nombre important d'anglais. A la suite d'exactions commises à Saint-Cloud, attribuées aux "anglais", la population parisienne se vengera sur le contingent présent intra-muros ( 24 tués, 4 à 500 prisonniers retenus au Louvre ) et exigera une chasse aux pillards. Deux troupes seront ainsi formées. Charles de Navarre et Etienne Marcel prendront la tête d'un groupe qui ne rencontrera aucune difficulté, le second tombera dans une embuscade meurtrière ( envrion 600 morts ). Des soupçons de complicité seront alors portés sur Etienne Marcel, d'autant mieux discrédité qu'il libérera les prisonniers anglais détenus au Louvre. Il sera assassiné le 31 juillet 1358 par l'échevin Jean Maillard, l'un de ses meilleurs soutiens.

La chronique de Louis Bertrand, reprenant pêle-mêle des événements historiques, rend donc compte, par le fond et la forme, de la confusion de l'époque qui voyait s'agiter les prétendants à la couronne de France (Jean le Bon est prisonnier d'Edouard III d'Angleterre). Sa prise de position par rapport à Etienne Marcel, pour partiale qu'elle soit, est conforme à l'opinion de son époque. Il est toutefois vraisemblable qu'il l'aurait soutenu dans sa lutte pour les libertés publiques.


Assassinat d'Etienne Marcel (Wikipedia)