Le bastion Bazire



Au second paragraphe de la première préface de "Gaspard de la Nuit", Louis écrit : " J'étais un jour assis à l'écart dans le jardin de l'Arquebuse, - ainsi nommé de l'arme qui, autrefois, y signala si souvent l'adresse des chevaliers du papegai. Immobile sur un banc, on eut pu me comparer à la statue du bastion Bazire. Ce chef-d'oeuvre du figuriste Sévallée et du peintre Guillot représentant un abbé assis et lisant. Rien ne manquait à son costume. De loin, on le prenait pour un personnage ; de près on voyait que c'était un plâtre."

Henri Chabeuf, dans "Louis Bertrand et le Romantisme à Dijon" précise :

"Louis aimait aussi à se promener sur les remparts du vieux Dijon "autour duquel courait un branle de dix huit tours, de huit portes et de "quatre poternes ou portelles nous ne le chicanerons pas sur son effectif ; refaits pièce à pièce, mais toujours sur les racines de l'enceinte ducale, les remparts n'étaient plus, depuis la conquête de la Franche-Comté, qu'une promenade. Louis a parlé des portes Saint-Nicolas et Saint-Pierre pratiquées dans des bations devenus des jardins en terrasses ; au bastion Saint Pierre ou Basire, on voyait une de ces statues de plâtre peint qui faisaient la joie de nos pères ; celle-ci, " chef-d'oeuvre du figuriste Sévallée et du peintre Guillot," représentait un abbé assis et lisant. Depuis longtemps les anciennes tours étaient chargées de maisons, enfin de la verdure des fossés transformés en jardins, émergeaient les demi-lunes dépouillées de leurs revêtements à bossages et toutes plantées d'arbres fruitiers qui au printemps faisaient fête à la ville d'une couronne embaumée et blanche ; au delà les chemins couverts étendaient en zizzag leurs doubles files d'arbres.

Dans ses notules, il ajoute les éléments suivants :

" L'enceinte de Dijon, commencée après l'incendie de 1137, a englobé alors les faubourgs et paroisses jusqu'alors extérieurs au castrum gallo-romain, elle n'a été achevée qu'au XIV° siècle, et a presque entièrement disparu depuis une vingtaine d'années. Nicolas-Guillaume Basire, né sur la paroisse Saint-Jean, le 9 décembre 1759, de Guillaume Basire et de Pierette Michelet, était le frère aîné du conventionnel Claude Basire, né le 15 mai 1764. Il fut d'abord comme celui-ci, commis dans le bureau des Elus, puis receveut du District pendant la Révolution. Il mourut au bation de la porte Saint-Pierre " ( acquis par la famille) "le 30 novembre 1823.../...Différents projets avaient été étudiés dès 1822 pour rectifier et élargir le passage" ( de la porte Saint-Pierre) ; enfin le bastion tout entier fut acquis des héritiers Basire par actes des 12 août 1824 et 4 octobre 1825 pour le prix de 32,000 et déblayé aussitôt, la tour étant entièrement dérasée dès 1826. Le 26 septembre 1838 on posa la première pierre des maisons actuelles..."

Clément-Louis Sévallé était un italien, fils d'un chirurgien de Moncrivelli, près Verceil, où il était né le 14 novembre 1777 ; il avait ouvert à Dijon, rue Saumaise, un atelier de moulage, qu'il transporta plus tard rue du Change, aujourd'hui des Forges. Le 25 brumaire an XI - 16 novembre 1802 - il épousa Reine Mazoyer, perdit une fille en 1825, et dut quitter Dijon, car on ne retrouve plus sa trace dans les registres de l'état-civil. C'était un de ces demi-artistes faciles et adroits comme l'Italie en a fourni de tout temps à la France et à l'Europe. Il eût un fils qui fut compromis en juin 1848 dans une affaire de drapeau séditieux et acquitté.

Guillot était un peintre de la rue du Lacet, aujourd'hui François Rude."

Le bastion étant déblayé, le voici aujourd'hui :