"À Monsieur le Préfet de la Côte d'Or" - avril 1831



Monsieur le Préfet,

La Côte d'Or n'a jamais été une province conquise ; nous ne sommes point des Dalmates ; nous vivons libres sous un roi citoyen et non pas esclaves sous un proconsul.

Si nous étions des factieux, nous garderions le silence. Ce serait nous avouer coupables.

Mais nous ne sommes coupables que d'avoir entonné l'hymne d'imprécation contre les ennemis de la France. Nous ! Du sang et le pillage ! arrière ! les jeunes Français font une révolution et ne font pas d'émeutes.

Oui, nous avons crié : à bas les carlistes !(1) à bas le juste milieu !(2) et nous le crions encore !

À bas les carlistes ! Ils ont débarqué d'Holyrood, ils étaient hier à Saint-Germain l'Auxerrois, ils sont aujourd'hui au Luxembourg !

À bas le juste milieu ! Nous répudions une chambre qui répudie la révolution de juillet, un ministère qui répudie la gloire nationale.

Voilà, Monsieur le préfet, notre réponse à votre proclamation du 25 avril et notre profession de foi politique."






le château de Holyrood, en Ecosse

  
Cette lettre a été adressée à Trémont, Préfet de la Côte d'Or, en suite de sa proclamation du 25 (26) avril 1831 réprouvant un mouvement d'exaltation républicaine de jeunes dijonnais, dû au retour dans sa ville de Philibert Hernoux, député-maire de Dijon et conseiller général de la Côte d'Or.

Celui-ci (1777-1858), siégeant à gauche pendant plus de vingt ans, vota contre les lois d'exception, combattit les entraves à la presse, demanda le rappel des bannis, lutta contre le ministère Polignac et applaudit à la révolution de Juillet. Réélu sous Louis-Philippe, le 5 juillet 1831, il perpétua son vote d'opposition.

C'est ce même Philibert Hernoux qui devait recommander Louis Bertrand à Antoine Conte, directeur général des Postes. Cette requête pour emploi, malgré l'appui (incertain) d'Antoine Tenant de Latour - lettre du 27 mars 1833 - restera sans suite. On s'en étonnera peu, Louis ayant au surplus crû devoir faire publier dans un libelle enflammé, adressé le 6 août 1832 au gérant du "Spectateur" : " Je ne craignais pourtant pas, tout prolétaire que je suis, d'être désavoué par personne lorsqu'au nom de la jeunesse dijonnaise j'ai pressé la main de l'honorable député (Louis de Cormenin, député de l'Ain, coryphée de l'opposition). La gloire de l'homme du peuple est d'être salué par les hommes du peuple. Entendez-vous autrement la popularité ?".

Sous le premier gouvernement (11 octobre 1832-18 juillet 1834) de Nicolas Jean-de-Dieu Soult (1769-1851), Maréchal de France, Duc de Dalmatie, ministre de la Guerre en 1831, chargé de la répression de la prime révolte des Canuts de Lyon, la candidature n' avait aucune chance d'aboutir.


Nicolas Jean-de-Dieu Soult

 (1) les carlistes ou partisans de Charles X -légitimistes.
 (2) "Juste milieu" : politique consistant à ménager tant l'aristocratie que les républicains.