"Ondine"






- " Ecoute ! Ecoute ! - C'est moi, c'est ondine
qui frôle de ces gouttes d'eau les lozanges sonores de
ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ;
et voici, en robe de moire, la dame chatelaine qui
contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau
lac endormi.

" Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant,
chaque courant est un sentier qui serpente vers mon
palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac,
dans le triangle du feu, de la terre et de l'air.

"Ecoute ! - Ecoute ! - Mon père bat l'eau coassante
d'une branche d'aulne verte, et mes soeurs caressent
de leurs bras d'écume les fraiches iles d'herbes,
de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule
caduc et barbu qui pêche à la ligne !" -

*

Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir
son anneau à mon doigt pour être l'époux d'une
ondine, et de visiter avec elle son palais pour
être le roi des lacs.

Et comme je lui répondais que j'aimais une mor-
telle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques
larmes, poussa un éclat de rire, et s'évanouit en
giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes
vitraux bleus.